Carole
Menahem-Lilin
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actualité : parution d'Enfances
d'écorces (éd. Souffles)
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Faire mon autoportrait… facile, me suis-je dit d’abord. Je suis
moi.
Protestations intérieures : « Et moi, et moi, et nous ? »
Donc, rectification : je suis moiS (avec un S majuscule).
t
Comme, je suppose, beaucoup de grands lecteurs et d’écrivants
chroniques, je me suis projetée dans quantité de « je » potentiels
et de vies possibles. Au point que fut un temps, vers l’âge de
vingt ans, où il m’arrivait de perdre de vue mon identité et
d’hésiter lorsqu’on me demandait mon nom. C’est que
j’avais provisoirement adopté la démarche d’un passant,
tenté de résoudre le problème d’équilibre
d’une serveuse, éprouvé l’envol des pigeons, le coup
de frein brusque d’une moto, ou plus banalement m’étais
immergée dans le dilemme d’un des héros du livre que j’étais
en train de lire. Cela ne m’empêchait pas de vivre des expériences
très personnelles : passions amoureuses, amicales… et d'explorer
quantités d’univers professionnels (bibliothèques, fast-food,
vente, secrétariat, musée), moyen de gagner sa vie tout en voyageant
dans le quotidien.… Il y eut aussi la découverte des doubles ou
triples cultures… la traversée épuisante de galères
en tout genre… les promenades insatiables… (marcher – et écrire – à mon
avis sauve de tout)… et les curiosités. Histoire, philo, psychanalyse,
peinture, littérature, toujours.
Après avoir donc collectionné les diplômes, empilé les
petits boulots et les débuts de carrière prometteurs, je me suis
résolue à revenir à la seule chose qui, in fine, m’intéresse
: l’écriture. L’écriture sous toutes ses formes...
En L'écriture comme expansion, comme révélateur du désir
(et de la rage), comme stimulant de vie et véhicule de la curiosité.
J’ai créé des ateliers… devinez de quoi ? d’écriture
bien sûr… pour enfants et pour adultes, dans lesquels j’accueille
de petits groupes. J’anime des soirées littéraires scènes
ouvertes. Je publie poèmes et nouvelles dans quelques revues (Etoiles
d’Encre, Souffles, XYZ..) Bientôt trois recueils à mon actif,
aussi : "Enfances d'écorce", recueil poétique (Editions
Souffles, 2007), "Enfermées", nouvelles surréalistes
(Edition Guy Bouliane/Mille poètes, Québec, 2006) et Passages,
nouvelles (Editions Terriciaë, 2007).
Aujourd’hui, je me sens plutôt heureuse et à l’aise
dans ma peau. Franchement, j’aime ma vie, et je sais que ce n’est
pas donné à tout le monde. J’aime faire la cuisine, respirer à fond
pour chanter, jouer à des jeux de stratégie avec mes fils qui
me battent deux fois sur trois, regarder les arbres par ma fenêtre, et
bien sûr aligner sans fin les petits signes noirs sur l’écran
de mon ordinateur, me battre avec la syntaxe, chercher le rythme, la « voix »,
rêver… être ici et en même temps enfermée dans
une boîte, à essayer de trouver une solution pour en sortir, ou
bien en train de me promener sur une place parisienne du 17e siècle...
Mon rêve pourtant : posséder le don d’ubiquité.
C’est peut-être pour cela que mon écriture de fiction s’oriente
de plus en plus vers le fantastique : il y a tant d’inconnu, tant de
possible, sous l’apparence lisse du quotidien… et tant de Je(ux)
dans un seul Moi… En particulier dans le domaine de l’écriture.
Mais ces « moiS » n’existent que s’ils sont lus, entendus,
partagés.
Carole Menahem-Lilin