Poèmes de Carole Menahem-Lilin inspirés et illustrés par les encres de Marie-Lydie Joffre
Arbres, mes fuites. Je, toute entière projetée Dans lélan du tronc. Je, échappée. |
![]() Marie-Lydie Joffre |
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Arbres, mes danses. Pieds au sol, hanches qui roulent, Dos libéré, cou ployé, Tous nos oiseaux déployés. Couronne des branches : Cheveux en boucles, mains mouvantes, Perle des dents. Bouche ouverte, javalerai le ciel. Mon rire est un ogre, Mon arbre une montagne En transe. |
Marie-Lydie Joffre |
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Arbres, mes amours. Assise contre le tronc Les voix sourdent de la terre. Colonne du souffle, de la sève. Vertèbres une à une exsudées. Bientôt les feuilles pousseront A mon cou, contre ma gorge. Traversée, feuillue, Je serai rameaux et livre. Voix ailées, voyelles Mes doux fantômes.
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Encre centrale de Marie-Lydie Joffre, dessin de Carole Menahem-Lililn |
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Dans les racines du platane, lovée. Enroulée dans la bouche, contre la langue de la terre. Enroulée dans la bouche, contre la langue de la terre, Toute petite, une dent broyée dans la mâchoire du monde. Une tache dans lécorce ocellée du platane. Je méveille, le sang à mes oreilles. Des insectes dans mes cheveux. Toutes ces ailes, bruissements, chuintements, Reptations, creusements, Enfouissements. Fouissements fertiles. |
Marie-Lydie Joffre |
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Lovée dans les racines, jécoute la voix mère Qui dit sans paroles, signifie sans mots Voix effrayante et exquise. Lovée dans la racines, toute à son souffle mère, jécoute. Jécoute par mon ventre, par mes reins, Par mon sexe. |
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Puis
je me lève Et laisse derrière moi mon ombre arbre, ma trace lovée, mon alvéole. Au-dessus de la bouche de la terre je marche. Je marche, douée de mobilité. Volupté. Sur les lèvres de ma mère la terre je danse, portée par sa respiration. Je sautille entre ses dents, je glisse sur sa langue. Vivante un instant vivante Au-dessus du rire effrayant, exquis, Au-dessus du rire mortel et fécond En équilibre sur le souffle de ma mère, la terre. |