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Poèmes en écho

le bras tronqué
Poème de Carole Menahem-Lilin
En écho au poème d'Apollinaire, Le pont Mirabeau, in Alcools

« Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
...»

Je me souviens d’un pont tronqué
Au-dessus de la Seine
Longtemps je n’ai pu m’y engager sans ressentir
un vertige d’avenir.
L’amour m’avait tenue là –
Ici l’amour m’avait lâchée
Et entre moi et moi
Il y avait ce bras
Et ces arches absentes –
Ici l’amour m’avait laissée - ici l’amour me reprendrait.

Je vivais pourtant – j’existais
Dans l’attente
Tronçonnée
Haletante
Le souvenir me tenait lieu de corps et la mémoire de nid.
Ici l’amour m’avait lâchée, l’amour ici me reprendrait.
Je gisais entre deux
Retenue dans les tourbillons
Par les piles absentes du pont.

… Ici
Ici j’avais été en plénitude
Et ton visage
Mêlé au ciel m’avait absoute
Dissoute.
Ombilicalement reliée
Par ma mémoire à l’avenir
J’attendais.

J’attendais.
Puis on a prolongé le pont
D’autres visages se sont penchés, d’autres cheveux se sont mêlés.
L’avenir à nouveau s’est infiltré
Sous ma peau
Mon corps m’est revenu
Malgré tes mains absentes.

Et j’ai franchi le bras de Seine…

Seule
Dans un vertige de désir
Moi j’ai franchi le bras de Seine…

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