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Conférences et lectures

 

Incursions dans l'univers de Naguib Mahfouz

 par Carole Menahem-Lilin

I.      Naguib Mahfouz : biographie

II.     L’œuvre de Mahfouz.  : Une oeuvre prolifique ancrée dans l'histoire du Caire. -  Romans historiques et romans réalistes - Du réalisme au symbolisme. - Fantastique et critique sociale. - Les évolutions du style.

III.       Incursions dans l’univers de Mahfouz.

1. Le quartier traditionnel dans les années 20  (Récits de notre quartier) : La notion de quartier ; Un condensé historique : Une vision à la fois affective, sensuelle et mystique : Pesanteur des traditions et violence sociale.

2. L'Amour au pied des pyramides, ou le Caire moderne : bouleversement des valeurs sociales et interrogation sur le sens du destin individuel..

 

I.                   Naguib Mahfouz, biographie :

Naguib Mahfouz est né au Caire en 1912, et il a commencé à publier dans les années 30. Après des études de littérature et d’histoire, il entame une carrière de fonctionnaire qu’il poursuivra en parallèle avec sa carrière d’écrivain.. Il a également participé activement à la vie littéraire égyptienne, en animant des salons littéraires, et en encourageant toute une génération de jeunes écrivains. Il évolue au centre d’un cercle d’amis, surnommés les Harâfich, qu’il régale par son sens de l’humour  Il collabore également à l’observation de la vie sociale et politique en publiant régulièrement des chroniques dans le grand quotidien al-Ahrâm.

Il est souvent considéré comme le « père tutélaire » de la littérature égyptienne, à la fois pour son rôle d’animateur de la vie littéraire contemporaine, et parce qu’il a été parmi les premiers à adapter la langue arabe littéraire à la forme du roman, qui est un genre occidental. Avant lui, l’avant-garde littéraire était surtout poétique. Il y avait quelques précurseurs (comme Muhamad Husayn Haykal, auteur de Zainab, publié en 1914). Mais aucun ne s’est attaqué, avant lui, au réalisme social, avec de longs romans qui font revivre tout un univers, à la manière de Tolstoï ou de Dickens. Dans son livre d’entretiens avec Gamal Ghitany, Mahfouz par Mahfouz, il explique que son combat stylistique est le plus difficile qu’il ait eu à mener. « Savez-vous que le plus grand combat de ma vie est celui que j’ai livré contre la langue arabe ? Dans mon premier roman, La vanité des destins, le style employé était inspiré du  Coran. On nous avait appris que la forme et le fond sont deux problèmes indépendants. (Mais) en abordant la littérature réaliste, j’ai eu des difficultés à trouver un style, les mots ne se pliaient pas, ils ne m’obéissaient pas.(…)Comment rendre naturel un dialogue écrit en arabe littéral ? (et pas dialectal) (…) Je n’avais aucun modèle devant moi, tous les génies qui avaient précédé notre génération s’étaient abstenus d’écrire sur les quartiers populaires. Les rares qui en avaient traité écrivaient les dialogues en langue vernaculaire, ce qui éludait la question. Le véritable défi consistait à moderniser le langage pour le rendre esthétique et réaliste à la fois. » Donc, moderniser l’arabe littéraire, en faire un instrument souple, capable d’exprimer les nuances du monde moderne. L’arabe littéraire avait pour mérite d’être compris d’un plus grand nombre que l’arabe dialectal, lié un lieu géographique.

Nabuib Mahfouz a reçu en 1988 le prix Nobel de littérature. C’est le premier romancier de langue arabe à recevoir cette distinction. En France, ses œuvres ont commencé à être traduites dans les années 1970 ; après le prix Nobel, les traductions se sont multipliées,  et une bonne partie de ses œuvres est aujourd’hui disponible en français.

Mahfouz  a aujourd’hui plus de 90 ans, est quasiment aveugle, mais continue de dicter ses textes. C’est un écrivain populaire en Egypte, connu pour ses écrits et leurs adaptations cinématographiques. Il a beaucoup publié dans la presse, ses nouvelles, et certains de ses romans, en feuilletons.

 

II.                L’œuvre de Mahfouz

Une oeuvre prolifique ancrée dans l'histoire du Caire

L’œuvre de Mahfouz est prolifique (près de 40 romans, dont la plupart sont traduits en français, des recueils de nouvelles, des scénarios, des pièces de théâtre…). Elle est assez variée, car elle reflète à la fois le parcours intérieur de Mahfouz et les différents événements qui ont affecté l’histoire de l’Egypte. Cependant elle est ancrée dans l’histoire du Caire, et en particulier dans le quartier populaire du Gamaleyya, dans lequel il a vécu les douze premières années de sa vie, mais auquel il ne cessera de revenir. Ce quartier renaît sous sa plume, véritable microcosme historique et humain, où l’échoppe s’adosse au palais, où l’esplanade jouxte le monastère soufi, où le bourgeois, l’intellectuel et l’artisan se rencontrent au café, où le cheikh, saint homme musulman, discute avec le futuwatt (protecteur et homme fort de la ruelle).

Mahfouz connaît bien aussi le milieu des intellectuels et des fonctionnaires, et la petite et moyenne bourgeoisie. Il en décrit la manière de vivre à différentes époques, en particulier dans la Trilogie, dans Le jour de l’assassinat du leader et dans des nouvelles.

Les traductions : l'oeuvre de Mahfouz nous est en grande partie accessible aujourd'hui grâce au travail des éditeurs et des traducteurs. Je voudrais citer en particulier Khaled Osman, qui a traduit le Voleur et les chiens, Récits de notre quartier et Mahfouz par Mahfouz.

 Romans historiques et romans réalistes

Dans les années 30, quand l’Egypte lutte contre la main-mise de la Grande-Bretagne, Mahfouz cherche à renouer avec la culture égyptienne et commence par publier des romans historiques (Radôbis, Le Combat de Thèbes). Cet intérêt pour l’histoire ne se démentira pas même si, assez vite, Mahfouz entre dans une période dite « réaliste ». Dans plusieurs de ses romans, l’histoire de l’Egypte et l’état de la société à une période donnée, sont intimement liés au destin des personnages. C’est particulièrement sensible dans la Trilogie (Impasse des deux palais, Rue Palais du Désir, Le jardin du passé), qui retrace l’existence d’une famille de la bourgeoisie cairote sur trois générations, entre 1917 et 1944. Cette famille est particulièrement représentative des différentes tendances de la société égyptienne, on y voit  la modernité qui fait irruption dans le mode de vie traditionnel, et ses membres sont confrontés aux choix existentiels et politiques de l’époque. Ainsi en 1940, un des petits-fils est communiste, l’autre nationaliste, le troisième frère musulman…

Entre 1947 et 1959, donc, Mahfouz publie plusieurs romans dits réalistes, Le passage des miracles, La trilogie. L’écrivain y donne la description fidèle d’une réalité spécifique, celle de Gamaleyya. Il restitue les éléments du décor, et s’emploie à en reconstituer la structure et les mécanismes. A tel point que ses œuvres constituent de véritables guides de la topographie des lieux à l’époque où les ont traversés les personnages. Des guides aussi de l’évolution des mœurs et des mentalités.

Du réalisme au symbolisme

Après la Trilogie Mahfouz passe d’une description fidèle à une transcription plus symbolique. Cette transcription devint prétexte à la création d’un univers mi réel, mi recréé.

En 1967, il publie Les fils de la Médina, roman parabole qui retrace l’histoire de la Gamaleyya depuis sa fondation. La Gamaliyya devient le microcosme de l’humanité : ambition et opulence des uns, misère et dérision des autres. Quatre protagonistes se succèdent et mobilisent les ferveurs du petit peuple, suggérant les trois révélations : l’un personnifie la force (Moïse ?), l’autre la charité (Jésus ?), le troisième l’idéal communautaire (Mohammed ?). le quatrième semble annoncer la mort du divin, provoquée par l’alchimique science. Les religieux s’offusquèrent de cet aspect du roman. Le livre parut en feuilleton au Caire, mais sa publication en volume fut interdite en Egypte. Il fut publié à Beyrouth sous une forme expurgée.

(Autre saga où règnent en maîtres les futuwwât, La Chanson des gueux, publiée en 1977.)

En 1975, Mahfouz publie Récits de notre quartier. Ce livre, formé d’un entrelacement de courts récits, recrée de manière plus poétique et symboliste que réaliste le Caire des années 20 et le destin des figures marquantes du quartier. Mahfouz s’y penche sur son enfance et réfléchit au sens de la vie. Beaucoup d’humour et de finesse. Ce livre est typique de l’évolution de son style, plus dépouillé, mais resté très vivant.

Fantastique et critique sociale

Mahfouz dit lui-même que de naturaliste, sa littérature est devenue une littérature d’idées. « Avec l’âge, on commence à analyser les gens, à ne retenir dans leur destin que ce qui est exemplaire ou emblématique… » Dans le même temps son style, après avoir été descriptif, s’est concentré. Certains de ses textes prennent une coloration presque fantastique ou surréaliste qui expriment doute sur le sens de la vie, quête métaphysique et critique sociale. Il est intéressant de lire ses textes courts, ses recueils de nouvelles. Ainsi L’Amour au pied des pyramides, qui réunit plusieurs de ses nouvelles publiées entre 1960 et 2000, permet de suivre l’évolution de son style, de ses préoccupations, et la diversité des thèmes abordés. Intéressant aussi, L’Homme qui perdit la mémoire deux fois, autre recueil de nouvelles, ou Akhénaton le renégat.. Dans Le jour de l’assassinat du leader, il décrit le difficile destin de la génération sacrifiée des années 70, le désarroi des classes sociales moyennes face à l’inflation et au bouleversement des valeurs. Publié en 1985, il constitue une critique des années Sadate.

Il publie aussi :  Le Voleur et les chiens, sorte de polar métaphysique. Le héros y est trahi par tous ses proches, et pour avoir seulement songé à se venger, devient victime d’une traque impitoyable.

Cette période  est pour Mahfouz une période de doute, d’interrogation sur le sens de la vie. En parallèle, l’Egypte s’engage sur la voie de changements rapides, qui produisent un certain désarroi. Déception face à l’évolution du  régime nassérien, socialiste, qui a connu des dérives totalitaires, puis a subi la défaite de 1967 dans la guerre contre Israël. Sadate, qui succède à Nasser, engage le pays dans la voie d’un libéralisme économique effréné. Le marché est inondé de produits d’importations, ce qui met en danger les paysans et les artisans, et une forte inflation réduit le salaire des fonctionnaires. La classe moyenne qui s’est accrue sous Nasser se retrouve peu à peu prolétarisée. Bouleversement des manières de vivre et des valeurs morales. Mahfouz traduit le désarroi ambiant dans plusieurs textes. « L’homme qui a perdu la mémoire deux fois » et « Sous l’abri du bus » sont deux des nouvelles connues de cette période. Elles expriment une vision désenchantée du monde et témoignent d'une veine presque surréaliste.

 Les évolutions du style

Mahfouz explique, toujours dans Mahfouz par Mahfouz, « Avec l’âge, on commence à analyser les gens, à ne retenir dans leur destin que ce qui est exemplaire ou emblématique… » Dans le même temps son style, après avoir été descriptif, s’est concentré. Mahfouz parle de cette évolution avec humour  : « Pourquoi mon style, après avoir été descriptif, s’est-il concentré ? les raisons en sont nombreuses. Tout d’abord, je pense que chaque âge a son rythme, et que je n’écrirais pas aujourd’hui la Trilogie de la même façon, car mon rythme de vie autant que mon environnement ont changé. Mais il faut également souligner l’influence de la radio et de la télévision, qui ont apporté un certain art de l’essentiel. Ce phénomène a modifié les goûts, et aussi la manière de lire. Aujourd’hui, on appréciera davantage une phrase unique, là où, autrefois, l’on écrivait une page entière. Enfin, de naturaliste, ma littérature est devenue une littérature d’idées, et les idées ne se prêtent guère à la prolixité. Tout ces facteurs ont transformé mon écriture, et le cinéma m’a aidé à resserrer mes œuvres. »


III.             Incursions dans l’univers de Mahfouz

On le voit, l’univers de Mahfouz est vaste.  J’ai choisi de privilégier quelques thèmes, en m’appuyant sur deux livres : L’amour au pied des pyramides et Récits de notre quartier.

1. Le quartier traditionnel dans les années 20  (Récits de notre quartier) :

La notion de quartier est essentielle chez Mahfouz, qui en retrace l’histoire à différentes époques. Les termes de « quartier » ou d’impasse traduisent d’une manière un peu floue une réalité urbaine précise, typique du vieux Caire, le « hâra ». Une hâra cairote typique est constituée d’une rue centrale qui s’ouvre à la perpendiculaire d’une des grandes artères de la vieille ville, et s’achève en impasse. Cette impasse donne elle-même accès à une série de petites impasses, de sorte que tout ce qui entre et sort de la hâra doit emprunter un unique point de passage, et qu’en cas de danger extérieur, il suffit de fermer ce point pour la protéger.

Le hâra s’est constitué autour d’un « wafq », un ensemble de biens immobiliers familiaux géré par un intendant. Un nombre important de quartiers du Caire sont ainsi des waqfs, souvent très anciens ; ils ont souvent pour point de départ le palais de quelque « magnat » autour duquel s’est petit à petit aggloméré un quartier, dont les habitants sont en quelque sorte les dépendants et les protégés de la famille fondatrice.

Durant l’enfance de Mahfouz et jusque dans les années 50, "ce quartier présente (écrit Gitany, p. 29) une structure sociale des plus composites : un palais agrémenté d’un riche jardin y voisinait immédiatement avec une modeste bâtisse occupée par un commerçant et sa famille ; plus loin, un groupe d’immeubles abritait des dizaines de familles pauvres. C’était un assemblage étrange de constructions modernes et de vieilles bâtisses, mêlant des couches sociales différentes. Labyrinthe, esplanade et tunnel, monastère qui abrite des derviches."

Ce quartier est donc un microcosme social, mais aussi une sorte de condensé historique.

Un condensé historique :

Depuis la terrasse de sa maison, l’enfant observe la vie du quartier, la marche du monde (ainsi assiste-t-il en 1919 aux manifestations contre les anglais, manifestations qui conduiront à la « révolution » et à l’instauration d’une indépendance plus formelle que réelle). A travers les évolutions qui marquent le quartier et la vie de ses habitants, Mahfouz nous donne également un aperçu de l'histoire sociale et économique de l'Egypte moderne.

Une vision à la fois affective, sensuelle et mystique :

Enfant et adolescent, Mahfouz vit dans son quartier des expériences affectives fortes (l’amitié, l’amour). Dans Récits de notre quartier, une sorte de condensé poétique de l’existence se dégage, qui frôle parfois le mysticisme. Ce qui n'empêche ni l'humour, ni la sensualité. Mahfouz fait des habitants de son quartier, de leurs manières de vivre et de penser, et de ses relations avec eux, une description très vivante.

Pesanteur des traditions et violence sociale

Mais ce lieu de l’enfance n’est pas tout idyllique, loin s’en faut. La violence y est sous-jacente, les relations y sont basées en grande partie sur des rapports de force. En témoigne en particulier l’institution des futtuwat, hommes forts de la ruelle, sortes de mafiosi qui protègent, rendent la justice, prélèvent la dîme. Mahfouz relate la fin de leur règne, les luttes qui les opposent à la police, qui va peu à peu les remplacer dans les quartiers. Avec humour, il témoigne dans  Récits de notre quartier d'une conception de la justice bien particulière.

Enfin, le poids des traditions, du regard social, est important. La solidarité qui unit les habitants du quartier a pour corollaire le jugement, et la condamnation. Les déviances (quelque soit leur origine) sont vite sanctionnées. L'histoire de Zeinab, relatée dans Récits de notre quartier, nous résume le triste destin d’une jeune fille condamnée par ce qui aurait pu faire son bonheur : sa trop grande beauté, et surtout le trop grand cas qu’on en fait. Dans les années vingt, une jeune fille n’a guère la liberté de choisir sa manière de vivre. Rares sont celles qui étudient, et qui ont le choix d’un métier qui ne les déshonorera pas. La plupart seront mariées par leur famille à un prétendant de leur choix. Mais aux yeux des parents de Zeinab, aucun prétendant n'est digne de la beauté de leur fille… cette histoire se terminera dans le sang.

2. L'amour au pied des pyramides, ou le Caire moderne : bouleversement des valeurs sociales et interrogation sur le sens du destin individuel.

Nasser avait favorisé l’accès aux études, et  de nombreux diplômés sortirent des facultés à la fin des années 60. Mais l'administration ne pouvait les employer tous. Les années 70 connaissent, sous la présidence de Sadate, une libéralisation économique rapide avec l'ouverture des frontières aux importations, la mise en difficulté de l'agriculture et de l'artisanat traditionnels, la montée de l’inflation, et enfin le bouleversement des valeurs sociales et morales. Si certains s'enrichissent rapidement, on assiste à une prolétarisation générale des classes moyennes. D’où la situation kafkayenne du jeune héros de la nouvelle "L'amour au pied des pyramides", qui donne son titre au recueil..

Ce jeune homme s a été embauché par l'administration, mais le manque de locaux fait qu'on ne lui concède en tout et pour tout dans le service qu'une chaise ; et les tâches qu'il a à effectuer sont plus imaginaires que réelles. Ainsi, explique-t-il, est-il livré aux obsessions sexuelles par l’oisiveté. Il va bientôt être sauvé de sa solitude par l’arrivée d’une jeune femme dans le service. Amour partagé, qui pourrait être le début de leur bonheur, mais qui en fait amplifie leur souffrance. C’est un garçon honnête, qui envisage le mariage. Mais comment faire ? Son maigre salaire ne lui permet en aucun cas de louer un appartement, ou simplement une chambre dans un appartement. Les jeunes gens sont condamnés à se rencontrer dans la rue et les lieux publics, et on ne sait si leur amour va résister aux épreuves qui les attendent. A vous de lire la suite pour connaître la fin…

D’autres récits témoignent, sur un mode plus sombre, du désarroi ressenti par Mahfouz et l’Egypte entière, en particulier après la guerre des six jours. Dans cette nouvelle très sombre, "Sous l’abri de bus", c’est le sens même de la réalité qui vacille. Quelques personnes attendent le bus sous un abri. Il pleut. Ils voient surgir un homme, que plusieurs autres poursuivent, aux cris d’au voleur. S’en suit une bagarre. Un policier, présent, n’intervient pas et même détourne les yeux. Mais bientôt la scène change, le voleur supposé commence à discourir avec ses adversaires…

D’autres scènes suivront, toutes plus invraisemblables ou dramatiques les unes que les autres. Les personnes massées sous l’abri du bus en viennent à douter de la réalité de ces scènes, et à penser qu’il s’agit du tournage d’un film. Elles se gardent bien d’intervenir, par indifférence peut-être, mais aussi de peur d’être prises à parti… jusqu’au retournement final. Dans ce texte, on sent que le sens du réel n’arrête pas d’osciller, on a l’impression que les personnes observatrices ne sont pas libres de leur jugement, elles ont peur d’être menées en bateau, peur de la violence. Elles restent spectatrices. Par peur, par indifférence ? Parce qu’elles ne comprennent rien ?

Nous touchons là à la veine fantastique, surréaliste de Mahfouz.

 Carole Menahem-Lilin